Description
Depuis la fin des années 1980, la « globalisation » est présentée comme un processus appelé à favoriser les échanges entre cultures, le « métissage », l’« hybridation ». Sans contester l’intérêt d’un tel objectif, cet ouvrage invite à nuancer et à relativiser la vision enchantée d’un monde sans frontières ni hiérarchies symboliques.
Le marché du livre constitue aujourd’hui un vecteur majeur des échanges culturels internationaux. Mais il faut rappeler que ces échanges s’insèrent dans des rapports de force inégaux entre États-nations. La traduction implique un coût économique supplémentaire, mais aussi des compétences linguistiques et culturelles.
Le marché mondial du livre est en voie d’unification, entamée après la Seconde Guerre mondiale et accélérée à partir du milieu des années 1980 : rôle croissant des agents littéraires ; constitution de groupes d’édition internationaux (Bertelsman, Rizzoli, etc.). Ce processus s’accompagne de contradictions : la surproduction, qui va de pair avec la baisse des tirages et une diffusion de plus en plus réduite ; la diversification des produits pour la conquête de nouveaux marchés vs la tendance à la standardisation de produits culturels destinés à toucher les publics les plus divers appartenant à des cultures différentes. On l’observe sur le marché international de l’édition avec d’un côté la production de best-sellers mondiaux, de l’autre la diversification des langues dont on traduit. La croissance conduit en effet les maisons d’édition à se diversifier, ce qui brouille leur identité fondée sur un catalogue renfermant un héritage et un capital symbolique. La concurrence qui se jouait autour du capital symbolique est de plus en plus régie par des enjeux économiques. En outre, la logique de rentabilisation du capital symbolique en fait un objet de spéculation par le rachat de fonds, qui accentue le brouillage de ces identités. Mais surtout, la rationalisation économique et la quête de rentabilité à court terme conduisent à abandonner l’objectif de découverte de nouveaux auteurs et l’investissement à long terme sur des auteurs à la faveur du rendement titre par titre. De manière corrélative, le marché tend à se segmenter entre éditeurs généralistes et éditeurs spécialisés (ce qu’on appelle les « niches ») : par rapport à l’internationalisation, on constate la spécialisation d’éditeurs dans certaines langues.
Ce livre est issu d’un colloque international organisé par Gisèle Sapiro dans le cadre du réseau européen ESSE « Pour un espace des sciences sociales européennes », qui s’est tenu du 23 au 25 mars 2006 à l’EHESS et à l’IRESCO (Paris).