Description
La question d’un antisémitisme toujours prêt à renaître de ses cendres n’a pas cessé de ressurgir dès lors qu’il apparut que l’émancipation puis l’intégration des Juifs dans les sociétés d’Europe occidentale n’avaient pas suffi à effacer stéréotypes et hostilités.
L’antisémitisme a fini par constituer une forme de » référentiel culturel » dont les contours dépassent les frontières nationales et transcendent les clivages sociaux.
L’antisémitisme, tel qu’il se développa dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle et par la suite, ne fut pas circonscrit aux sphères militantes. Il s’infiltra jusque dans des milieux se défendant, a priori, de toute hostilité à l’égard des juifs. Il s’insinua, dans des domaines aussi divers que le discours scientifique, la littérature, la chanson, le cinéma, la presse humoristique et satirique, etc. permettant au stéréotype antisémite d’atteindre un large public tout en lui donnant les apparences de l’innocuité, celui-ci apparaissant comme un élément banal de l’imaginaire social que le propos fût récréatif ou ludique.
Une perspective de longue durée s’imposait pour saisir permanences et évolutions, transformations lentes mais aussi viscosité des stéréotypes.
Rupture majeure dans l’histoire du judaïsme et de l’humanité, la seconde guerre mondiale et la Shoah ont été placées délibérément hors champ dans ce livre : en s’arrêtant en 1939, il s’agissait d’abord de d’éviter la facilité de la rétrodiction et de se garder de toute lecture assimilant la Solution finale à un point d’arrivée nécessaire et obligé de l’histoire politique et culturelle de l’Europe.
L’architecture de l’ouvrage présenté ici rend compte de la volonté d’éclairer autant les contenus des « images et représentations » dont l’imbrication forma le nœud de la « question juive », que les processus ayant conduit à leur élaboration puis à leur transformation.
La place importante accordée ici à l’étude de l’iconographie ne s’explique pas seulement par la certitude que l’image antisémite, source encore peu exploitée, a joué un rôle aussi décisif que les textes dans la diffusion des stéréotypes. Elle mérite une analyse privilégiée en ce que s’y révèlent, à la manière d’une épure, les contenus et les ressorts de l’antisémitisme, et sa nature de « référentiel culturel » déjà évoquée.